Suite de l’article « Les 3 composantes de notre temps (1/2) »
Sans m’appesantir sur une de leurs conséquences remarquables que sera l’allongement et la meilleure compréhension de la vie, deux bouleversements majeurs sont à la clef pour l’humanité. D’une part on parviendra bientôt à reproduire parfaitement la dextérité manuelle de l’homme, sa capacité à se mouvoir aisément, à se lever, à marcher, courir, tourner, prendre un objet, le déposer, etc. D’autre part d’énormes progrès seront faits en intelligence artificielle qui permettront aux logiciels de comprendre le langage, d’analyser un texte, d’en déduire les points les plus importants, de les hiérarchiser, de résumer un texte à la longueur souhaitée. Les machines pourront bien sûr traduire parfaitement toutes les langues, ce qui aura pour délicieuse conséquence de faire tomber la dernière des barrières qui sépare encore les hommes et les blogosphères. Comme j’ai déjà pu le suggérer, la majore de promo d’Harvard en 2035 sera peut-être une étudiante africaine ne parlant que le swahili… Mieux encore, les machines pourront comprendre une question, et y répondre en parfait « français », « anglais » ou autre, en fonction du degré de concision attendu. Une véritable révolution vous dis-je, déjà évoquée dans ce précédent article. Le jour où ces deux phénomènes inévitables arriveront à maturité, possiblement avant 2100, certainement avant 2200 compte tenu de ce qu’on sait déjà faire (regardez donc la vidéo!) et de l’allure toujours croissante à laquelle avance le progrès scientifique, tous les métiers manuels et intellectuels seront condamnés, précipitant vers le chômage quasiment toute la population active.
Mais d’un autre côté, le coût des produits et services chutera drastiquement : tout deviendra abordable et ces Humains oisifs n’auront peut-être plus qu’à profiter « du pain et des jeux » gracieusement mis à disposition par un système autogéré. Un système optimal qui alliera ressources renouvelables et renouvelées à des coûts de conception, fabrication et distribution quasi nuls garantissant ainsi l’abondance. Sans doute aurons-nous alors dépassé le capitalisme, pour arriver au vrai communisme comme l’avait théorisé Marx. Les tâches les plus dures à imiter resteront l’humour et les arts, mais je pense qu’on y parviendra aussi, ne serait-ce que parce que composer, par exemple, « ce n’est que » créer une association inédite de notes avec une dose de hasard, paramétrée pour plaire à telle ou telle culture, telle ou telle oreille, un processus qu’il n’est pas à mon sens difficile d’imaginer un jour reproductible « mécaniquement ».
C’est pourtant ce qui arrivera, avant 2100 compte tenu de ce qu’on sait déjà faire et de la vitesse du progrès
3. Enfin la dernière des composantes qui, je crois, définit le monde d’aujourd’hui mais surtout de demain, c’est l’émergence et l’affirmation d’une nation humaine. La vie en société est un fait indissociable de l’homme, c’est inhérent à notre nature, nous n’avons pas besoin de le rechercher, c’est notre instinct, l’instinct grégaire. Par contre dimension et structure des sociétés n’ont toujours été que pures constructions de l’esprit humain. Les Hommes d’hier et d’aujourd’hui se sont divisés en langues, religions, pays, cultures…mais quelque chose nous dit que tout ceci reste « artificiel » : pourquoi une religion serait-elle mieux qu’une autre ? Nous savons tous qu’au fond nous appartenons à la même communauté, et que notre immense dénominateur commun, c’est le genre humain. L’Humanité me fait parfois penser à un simple être humain, ou plutôt à un enfant âgé de deux ans qui peine à comprendre que ce qu’il voit dans un miroir, c’est bien lui, c’est sa propre image. Oui, je pense que l’humanité en tant qu’espèce n’a que deux ans d’âge mental. Car elle prend à peine conscience se son unité, de son unicité, de ce qu’elle n’est qu’une. Cette prise de conscience, certains l’ont déjà eue, ont essayé et essaient de l’inculquer à nous tous : ce sont les visionnaires, les humanistes, les universalistes, les Prix Nobel de la Paix, les grands sages, les anonymes qui travaillent dans l’humanitaire, et tout ceux qui trouvent leur bonheur dans l’altruisme et le don de soi. MAIS si nous en sommes encore à nous entretuer dans certaines parties du monde, ou simplement à nous quereller alors qu’agir est notre devoir immédiat à tous pour aider à sortir de la pauvreté ceux qui s’y démènent encore, c’est bien parce que, collectivement, au niveau de l’espèce, le déclic n’a pas eu lieu, l’humanité dans sa majorité ne s’est pas encore reconnu dans le miroir, elle ne s’y voit aujourd’hui que de façon floue. Et pourtant, je suis convaincu que les traits se précisent, que nous ne nous autodétruirons pas.
Il me semble qu’à l’image de l’Union Européenne, les nations vont et devraient chercher à se regrouper en sous-ensembles régionaux sur des critères qui nous rassemblent et nous ressemblent (a priori en laissant donc à la sphère privée les religions) afin de faire face aux défis supranationaux et d’atteindre la paix perpétuelle. Cette mutation ne pourrait être d’ailleurs qu’une étape vers la constitution d’une vaste fédération mondiale. Ces sous-ensembles régionaux, préludes à un « ensemble mondial » fonctionneront d’autant mieux qu’ils se seront dotés d’un outil pour se comprendre au-delà d’un simple anglais d’aéroport, je parle d’une seconde langue commune.
D’après les démographes, L’Humanité atteindra son pic en 2050 avec 9 milliards d’individus, mais ne croîtra alors plus car toutes les sociétés auront achevé leur transition démographique. Et dire que ces neuf milliards que nous serons en 2050 ne sont les descendants que des quelques milliers d’Homo Sapiens qui vivaient il a de ça 100 000 ans, eux-mêmes seuls descendants de la lignée Homo à avoir survécu, ou plutôt à s’être imposés au détriment des espèces cousines et concurrentes ! Même pas de quoi remplir un virage du Stade de France ! Et c’est pourtant de là que tout est parti ! Tout ce que nous connaissons et dont nous profitons vient de ces milliers de bipèdes qui gambadaient nus ou presque dans une nature hostile. Temps et espace se sont ensuite efforcés de diviser cette communauté première. Celle-ci s’est diversifiée en petits groupes partis peupler les quatre coins du monde, se dotant chacun d’une culture, d’une langue, d’une cosmogonie et d’une religion. Le climat a donné à chaque groupe sa couleur de peau. Puis la vapeur s’est inversé, comme on l’a dit les progrès de la science et l’essor de l’économie de marché n’ont cessé de réduire temps et espace pour qu’aujourd’hui nous ne soyons à nouveau presque plus qu’un. Voici le village global dont parlait Marshal MacLuhan ! La boucle est bouclée.
Enfin presque ! Car ce dépassement des nations ne sera possible que si au préalable a été effacé ce que l’historien Marc Ferro appelle le « ressenti historique », qui affecte les peuples humiliés. Toutes les minorités bafouées à qui on a nié le droit à l’autodétermination devront d’abord pouvoir choisir leur destin. Cela va poser d’immenses problèmes à la Chine et la Russie dont l’intégrité territoriale sera très certainement remise en question le jour où le niveau de vie, l’opinion et la pression publiques seront tels qu’il leur deviendra intenable de réprimer les velléités autonomistes. Je vois d’abord pour les états et régions où l’ethnie au pouvoir impose ses volontés aux minorités (les Kurdes, les Tibétains, les Tchétchènes, Palestiniens, etc) une fragmentation en nations libres et enfin souveraines ; on pourra alors ensuite assister au processus inverse de rassemblement, mais cette fois fondé sur l’équité et le respect, où tous les états traiteront d’égal à égal. Et quand toutes les plaies aurons été pansées et les humiliations apaisées, l’on pourra bâtir cette nation humaine à partir d’un éventail de briques culturelles reconnues et respectées de tous. Enfin cela laisse en suspens la question fondamentale avancée par Christophe Barbier dans un de ses éditos de l’Express: « A quel niveau de fragmentation tribale la revendication identitaire cesse-t-elle d’être légitime? »
Mais ne nous lamentons pas trop sur le sort qu’une telle utopie réserve aux nations, ces entités fictives résultant d’un « nation-building » plus ou moins long (de quelques millénaires pour les plus anciennes, à quelques dizaines d’années, voire mois pour les plus jeunes !). Les mythologies nationales ne sont bien souvent le fait, il faut bien l’avouer, que d’une « propagande » nécessaire à la cohésion de la société. Trop d’États sont de toute façon artificiels. Entre autres, la Belgique et l’Iraq. Sans parler de tous les pays d’Afrique où la Nation n’a pas de sens, où l’ethnie prévaut et continue de miner les démocraties naissantes, puisqu’on y choisit d’abord l’homme se son clan. Le Congo ex-Zaïre est un exemple parmi tant d’autres, à qui on a donné à l’indépendance un drapeau, un hymne, des frontières, mais tout cela ne veut rien dire dans ces contrées multiethniques, et il ne faut pas craindre de voir l’échelon national perdre de l’importance au profit de l’échelon régional, continental et même mondial. Je suis Français certes, mais je me sens surtout Terrien francophone.
Nous sommes décidemment les heureux contemporains d’une époque incroyable tant elle nous réserve de surprises. Nos ancêtres étaient habitués à l’immuable, à l’éternelle succession des saisons et des ans, sans que rien ou presque ne change et ne soit remis en question. Je peine à réaliser qu’il y a moins de différences entre l’enfance rurale de mon grand-père et celle de son ancêtre du moyen-âge, qu’entre la sienne et la mienne ! C’est dire ! Je souhaite vivre le plus longtemps possible en partie pour voir jusqu’où nous mènera cette aventure fantastique, guidée par ces trois axes que sont l’économie de marché, la science, et leur corollaire commun, l’unification de l’Humanité. J’espère aussi pouvoir tout au long de ma vie et à mon modeste niveau œuvrer à cette prise de conscience collective. Car plus nous attendons, plus de gens auront à souffrir encore inutilement.
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