Suite à la crise des subprimes, le candidat démocrate Barack Obama a affirmé dans un communiqué de presse en juin dernier que le pays était entré en récession. L’augmentation du chômage, l’inflation, la baisse du dollar , le creusement de la dette publique et du déficit commercial laissent craindre aux spécialistes internationaux que la première économie du monde s’essouffle.
Est-ce la fin du modèle américain ?
Plusieurs signes portent à inquiéter les observateurs :
Les déficits budgétaires et commerciaux se creusent d’année en année (cumulés ils atteindraient 764 milliards de dollar en 2006).La dette publique américaine, grandie par les efforts de défense au Moyen-Orient se chiffre actuellement à 70% du PIB. Le coût total de la guerre en Irak atteindrait en 2007. 1000 milliards de dollars minimum, selon l’économiste américain Joseph Stiglitz.
L’invasion des produits à bas prix, en provenance d’Asie, a ruiné l’industrie de base américaine (textile, automobile, métallurgie). Les sénateurs des états de « l’Iron Belt » au nord-est des Etats-Unis, région particulièrement sinistrée par le déclin du secteur secondaire, forment actuellement un lobby prêchant l’augmentation des barrières douanières à l’encontre des produits asiatiques. Le président Bush a alors préconisé à la Chine la réévaluation du Yuan, accusant le pays de sous évaluer sa monnaie afin de favoriser l’exportation.
La crise des subprimes, qui a éclaté en 2007, a pour origine l’octroi de prêts immobiliers à taux variable à des ménages pauvres peu solvables. L’augmentation graduée des taux à partir de 2001 a placé ces ménages en situation de cessation de paiement. Leurs maisons confisquées par les banques sont revendues en nombre sur le marché conduisant à l’éclatement de la bulle immobilière en 2007. La classe moyenne, ayant profité de l’augmentation des prix immobiliers, avait effectué des prêts hypothécaires basés sur la valeur de leur patrimoine et se retrouve alors en difficulté financière suite à la crise immobilière. De plus, les banques, par titrisation (un procédé qui consiste à découper des créances par tranche de risque, puis à les regrouper pour former des tires échangeables sur les marchés financiers), ont inondé le circuit bancaire de ces créances douteuses transformées en actif. L’effondrement de la valeur de ces actifs, causé par l’insolvabilité des ménages provoque une crise financière sans précédent. Les cours de la bourse sont en chute libre et les banques refusent les unes les autres de se recapitaliser. La crise des subprimes est à la fois sociale et financière, elle associe le banquier de Wall Street ruiné au travailleur pauvre du Michigan expulsé de son logement.
La baisse constante du dollar s’affirme face à l’euro (le seuil des 1,70 dollar pour 1 euro a été franchi en juin). La faiblesse du billet vert renchérit le prix de l’essence et de la nourriture aux USA pénalisant l’ensemble de la population.
Il faut pourtant nuancer ces données, les USA sont au centre d’un vaste prisme financier et commercial qui garantit le refinancement du pays. Depuis le milieu des années 1970 la balance des paiements du pays est chroniquement déficitaire (764 milliards en 2006). Les déficits les plus lourds sont engrangés avec l’Asie. La surconsommation des ménages américains permise par l’endettement provoque une augmentation de l’importation en produit à bas prix (vêtements, électronique, électroménager), en provenance, en grande partie, de Chine. Les pays exportateurs dégagent des excédents commerciaux colossaux qu’ils réinvestissent en majorité en rachetant des emprunts d’état américain. De nos jours les fonds souverains (voir l’article « qu’est-ce qu’un fonds souverain »), qui gèrent une partie non négligeable des excédents, fructifient leur bien en s’introduisant dans le capital des entreprises les plus cotées du Dow Jones (la Chine possède actuellement 242 milliards de dollars de titres américains et le Japon en possède près de 800 milliards). Suite à la crise des subprimes, ce sont les fonds souverains qui ont recapitalisé les grandes banques américaines.
Le déficit de la balance des paiements et le creusement de la dette publique est alors financé par les excédents commerciaux des pays émergents. C’est ainsi que la première économie du monde finance aussi sa croissance .Il est alors vital pour les USA de maintenir leurs entreprises compétitives et créatives afin d’assurer la pérennité du système. Le déficit de la balance de paiement n’est au final qu’une donnée comptable qui n’illustre en rien l’influence économique des Etats-Unis sur le monde.
Les multinationales américaines sont l’illustration de la suprématie du pays sur le monde : elles organisent la spécialisation internationale du travail et promeuvent le modèle américain.
En effet une part non négligeable du déficit commercial est générée par celles-ci .Elles sous-traitent ou délocalisent leur production dans les pays à bas salaire pour ensuite la faire importer aux Etats-Unis (Apple fait construire intégralement ses produits en Chine). De plus leur influence, qui s’étend par l’intermédiaire de filiales et de franchises sur tous les continents, permet à ces entreprises d’exporter dans le monde entier le mode de vie américain, tel que l’illustre bien la multiplication des restaurants MacDonald du Mexique à l’Inde. Ces firmes produisent alors de la richesse sans pour autant exporter des USA un bien ou un service, et contribue par là au rayonnement du pays. Voilà ce que dit l’historien Maurice Sartre…à propos de l’empire romain : « derrière l’apparente superficialité de ces aspects de la vie quotidienne se cache la réalité d’une culture commune. Certes les identités régionales ne disparaissent pas, mais elles sont partiellement masquées par l’adhésion d’un grand nombre au mode de vie gréco-romain qui devient l’un des ciments de l’empire »…troublant, on pourrait dire presque la même chose de l’américanisation de nos sociétés, il poursuit en disant : « Il ne suffisait sans doute pas plus à un Gaulois de fréquenter les thermes pour devenir un « Romain » qu’à un adolescent japonais de manger un hamburger pour être « américain ». Mais dans l’un ou l’autre cas, il y a un effort d’identification, conscient ou non, une volonté de s’inscrire dans une culture mondiale jugée plus valorisante que la tradition locale. »
En conclusion la première économie du monde s’est adaptée sans conteste à la mondialisation des échanges. Le leadership américain reste assuré pour longtemps par la suprématie technologique du pays dans les domaines à forte valeur ajouté (aéronautique, informatique, Internet) permise par l’importance des crédits alloués à la recherche et développement, et la prévalence d’une économie de marché hyperconcurrentielle. Des multinationales tel que Boeing, Microsoft, Google, IBM représentent dans le monde la puissance commerciale des Etats-Unis. La crise des subprimes qui a ébranlé le pays n’affecte en aucun cas son potentiel créatif et économique, les Etats-Unis continuent en effet et continueront encore longtemps à attirer les investissements et les hommes.
Le « modèle américain » a encore de beaux jours devant lui…
Cet article a été écrit par Pierre, guest star sur le blog de l’appel du 18 janvier
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