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Gagner la guerre en Afghanistan!

septembre 22, 2008

La victoire en Afghanistan ne passera pas que par la guerre. D’ailleurs comment gagner militairement ce conflit avec 70 000 hommes là où les Soviétiques ont échoué de 1979 à 1989 avec 100 000 hommes, avec la force et la brutalité dont on les imagine capables. Les frappes américaines sont contreproductives du fait de leur imprécision intrinsèque : elles causent des bavures meurtrières, du pain béni pour les Talibans.

Le comble dans cette tragédie, c’est que la solution, les Américains les premiers l’ont entre les mains depuis le début ! Je parle du soft power, ou plus précisément de l’utilisation des médias pour gagner le cœur des Afghans, tâche à première vue impossible, à première vue seulement. Il faut à tout prix rendre populaire l’action de la coalition. La besogne est en fait double : capitaliser d’une part sur les régions stabilisées pour leur faire connaître un décollage économique, en investissant dans les infrastructures de base nécessaires pour attirer les capitaux privés et en y mettant en place des institutions de micro finance. D’autre part se donner la mission de gagner la guerre de l’information dans les zones instables. Pour cela, nul besoin d’exagérer, la vérité suffira. À condition qu’elle soit entendue. Il faut donc permettre aux populations des zones tribales d’entendre ce que le gouvernement de Karzaï a à dire. Et pour cela, deux étapes :

1.      Il faut premièrement équiper le plus possible d’Afghans de ces contrées de téléviseurs peu gourmands en énergie, livrés avec un groupe électrogène compact, ou mieux avec des cargaisons de piles régulièrement approvisionnées dans les villages. Téléviseurs reliés par satellite aux chaînes gouvernementales, voire à certaines chaînes occidentales qu’il faudra bien sûr prendre soin de sous-titrer. Il faudra équiper au moins chaque village, au mieux chaque foyer. L’idéal étant que ce soit fait dans chaque foyer, car une seule « salle TV » par village pourrait constituer une cible de choix pour d’éventuels attentats. Cela peut paraître un dispositif onéreux, mais qui l’est finalement beaucoup moins qu’une guerre totale ô combien dispendieuse et vouée à l’échec !

2.      Ensuite, dans une deuxième étape, il faudra diffuser sur ces ondes des programmes dont les Afghans sont culturellement friands (les séries et films de Bollywood) en alternance avec des reportages sur les progrès réalisés dans les zones stabilisées. Reportages du type de ceux que faisaient justement au Japon au lendemain de la seconde guerre mondiale les Américains, en associant leurs meilleurs réalisateurs aux autorités japonaises. Ces reportages devront éveiller ces exclus de la paix aux perspectives radieuses qui s’offrent à leurs compatriotes des zones stables. Il ne faudra pas hésiter à diffuser des séries américaines, meilleures vitrines du confort moderne, pour montrer à ces populations ce que la coalition veut leur apporter et dont profitent déjà une classe moyenne asiatique qui se comptent en centaines de millions, toujours plus nombreuse, une classe moyenne née de ce vent de modernité qui touche enfin le continent : cela d’abord été le Japon puis les quatre dragons asiatiques (Taïwan, Corée du Sud, Singapour et Hong-Kong), maintenant la Chine et l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam et demain le Pakistan… alors pourquoi pas eux aussi, les Afghans ? Il faudra de plus escorter dans ces villages des habitants des zones expérimentales pour qu’ils puissent raconter de vive voix les bienfaits dont ils bénéficient. De même pour parachever cette œuvre de persuasion, des habitants des zones instables devront être emmenées dans les régions pacifiées pour témoigner au retour dans leur village de ce qu’ils auront vu de leurs propres yeux. Et ce afin de certifier que ce que leur téléviseur raconte n’est pas que pure propagande occidentale. Il faudra aussi se servir de ce pouvoir médiatique pour diaboliser les Talibans à leur juste valeur, en se contentant de rapporter leurs exactions. J’ai par exemple entendu que plusieurs médecins avaient été décapités pour avoir vacciné des enfants, ce qui est contraire à leur charia ! Qui le sait ?…Ces bavures, qui n’en sont pas puisqu’il s’agit là d’atrocités préméditées doivent être révélées dans tous les villages Afghans, à chaque fois qu’elles surviennent! De même chaque bavure américaine doit être reconnue, indemnisée et faire l’objet d’excuses solennelles proférées à la télévision.

Ainsi seulement pourra être gagnée la guerre de l’information.

Je voudrais conclure en prenant l’exemple de la communauté Tamoule. Les Tamouls sont capables du pire, ce sont eux qui ont remis au goût du jour les attentats suicides et non pas les Palestiniens ou le Hezbollah. Cela date de 1956 et du conflit opposant Tamouls et Cingalais au Sri-Lanka. Les Tamouls sont 3.1 millions au Sri-Lanka….mais 62 millions  en Inde, dans le Tamil Nadu. Une petite portion de cette communauté a peut-être fait le choix de la violence, mais une large majorité en a fait un autre : celui de la marche vers la modernité. Un homme politique proposait par exemple, comme slogan de campagne, de donner à chacun de ses électeurs des postes de télévision ! « Aujourd’hui la télévision c’est plus qu’un divertissement, c’est un moyen d’information sur les questions de santé, sur le débat politique et sur les questions de société en général » disait-il. Les Tamouls d’Inde ont sans doute apporté leur assentiment aux Tigres Tamouls sri-lankais dans leur combat, à ses débuts du moins, mais maintenant ils réprouvent largement ce choix des armes, ils ne peuvent que plutôt célébrer avec le reste de l’Inde leur propre entrée dans la modernité, permises par leur tentative de s’appliquer plus ou moins parfaitement les 7 canons du développement économique mis en évidence par les Occidentaux et rapportés brillamment par Kishore Mahbubani dans son excellent  ouvrage, « The new Asian Hemisphere »  : l’économie de marché, la promotion des sciences et de la technologie, la méritocratie, la culture de la paix, l’état de droit, l’éducation et le pragmatisme. Ainsi par exemple on ne compte plus les mathématiciens géniaux qu’a produits cette région de l’Inde qui ne représente pourtant que 5% de la population indienne.

Gageons donc que les zones stabilisées de l’Afganistan, à l’image du Tamil Nadu, puissent connaître la réussite, pour mieux déteindre dans le reste du pays !

Source : pour l’exemple final Tamoul, « The new Asian Hemisphere », de Kishore Mahbubani, à mettre entre toutes les mains, un des ouvrages fondateurs du XXIème siècle à mes yeux, en rupture de stock sur Amazon, c’est dire.

Brisons le cliché de la guerre bonne pour l’économie

juin 22, 2008

Certains trouvent comme rare point positif à la guerre le fait qu’elle serait bonne pour l’économie. Cette vision est héritée de la Seconde Guerre Mondiale où l’effort de guerre avait exigé une mobilisation totale de toutes les populations, notamment aux États-Unis, ce qui avait permis de sortir de la Grande Dépression en relançant l’économie et en stimulant l’industrie.

Mais aujourd’hui cette assertion est complètement fausse !

En effet, de nos jours, seule une minorité d’industries est concernée, de plus, pour la guerre en Iraq par exemple, une grande part des tâches d’approvisionnement et de logistique nécessaires à l’action américaine est confiée à des sous-traitants philippins ou népalais, ces dollars dépensés ne profitant clairement pas à l’économie américaine.

En fait l’effet « positif » que peut avoir la hausse des dépenses militaires sur l’économie est plus que mis à mal par au moins trois autres effets pernicieux:

  • Un climat d’incertitude géopolitique qui se traduit par une hausse des prix de l’énergie (si le conflit implique des pays producteurs, ou voisins de producteurs, ou même voisins de zones de transit, comme le détroit d’Ormuz). Ainsi, le prix du pétrole s’est remis à monter depuis 2003, date de l’invasion de l’Iraq par les Américains. Certes les experts s’attendaient à une hausse du fait de la demande chindienne (Chine + Inde), mais personne n’aurait imaginé voir le prix du baril passer de 25 dollars à 135 dollars en 5 ans ! (à ce titre, lire l’article « Mais pourquoi le pétrole monte-t-il autant ? »)
  • Un renoncement à d’autres dépenses. Ainsi Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, et Linda Bilmes, brillants auteurs de « Une guerre à 3 000 milliards de dollars » dénoncent que cette somme aurait pu servir à la construction de 8 millions de logements, à embaucher 15 millions de professeurs, à payer les soins de 530 millions d’enfants et les bourses d’études de 43 millions d’étudiants, ainsi qu’à fournir une couverture sociale pour cinquante ans à chaque Américains. Le Prix Nobel raille que les États-Unis ne donnent que 5 milliards de dollars par an pour la coopération et le développement en Afrique, 5 milliards de dollars, soit dix jours de combat de l’armée américaine…
  • Des coûts de long terme sur l’économie (pensions pour les vétérans, femmes/mères de vétérans obligés d’arrêter de travailler pour s’occuper de leur mari/fils devenu infirme, etc). Ainsi Joseph Stiglitz rapporte que près de 40% des 700 000 hommes engagés dans la première guerre du golfe, qui a duré juste un mois, peuvent prétendre aux pensions d’invalidité. La guerre actuelle dure depuis 5 ans…

Au final, en restant sur l’exemple américain, alors que l’économie américaine souffre de la vétusté de ses infrastructures, il est clair que « la guerre stimule moins l’économie que la construction de ponts ou d’hôpitaux » affirme Joseph Stiglitz.

« La guerre peut être nécessaire à la sécurité d’un pays, mais elle n’est pas bonne pour son économie, ni à court ni à long terme. » martèle notre ami Joseph Stiglitz !

Triste ironie, il faut aussi et malgré tout reconnaître à cette guerre d’Iraq d’immenses progrès scientifiques dans la conception et l’efficacité des prothèses médicales. Ce qui renforcera peut-être certains dans leur conviction que la guerre est le meilleur des stimulateurs pour l’innovation. C’est totalement faux ! Oui l’innovation à besoin d’incitations, mais la guerre n’est qu’un moyen d’en donner ! L’économie de marché en est un autre, que ce soit avec la recherche du profit pour les entreprises traditionnelles d’une part, ou la volonté de produire des bénéfices sociaux pour les « social businesses » de Mohammed Yunus d’autre part !

Ou mieux : des concours avec d’immenses primes à la clef ont toujours constitué de puissantes incitations à relever toutes sortes de défis pour les inventeurs et chercheurs de tous bords. Joseph Stiglitz propose de procéder ainsi pour pousser chercheurs et scientifiques à trouver les remèdes aux maladies qui s’abattent principalement sur le Tiers-Monde et dont se désintéressent les compagnies pharmaceutiques.

Pour conclure ce billet, voici quelques chiffres et faits en vrac qui font froid dans le dos et démontrent, si besoin en était, le cynisme de nos grands pays donneurs de leçons :

  • Les 5 plus grands exportateurs déclarés d’armes conventionnelles (avions, navires, véhicules blindés, canons, système radar, fusils, etc, toutes les armes sauf celles nucléaires, bactériologiques et chimiques) sont les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU, à savoir États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne
  • Pendant la guerre Iran-Iraq (entre 600 000 et 1.2 million de morts), les pays occidentaux ont vendu des armes aux deux camps
  • Pendant la guerre des Malouines qui opposa Angleterre et Argentine en 1982, la France vendit des armes aux Argentins, et les moyens de les neutraliser aux Anglais….
  • La guerre civile en République Démocratique du Congo, largement nourrie par les trafics d’armes légères, a fait, entre 1996 et 2003……3,8 millions de morts !!!! (International Rescues Comitee), 3,8 millions de morts, rendez-vous compte, jamais le rapport (nombre de morts)/(couverture médiatique et conscientisation des opinions sur ce massacre) n’aura été aussi élevé il me semble !
  • Chaque année, 500 000 personnes en moyenne meurent à cause des armes légères (fusils, mitraillettes, pistolets, etc)
  • 900 millions d’armes légères circulent dans le monde, beaucoup sont issues des anciens stocks de l’armée rouge dispersés et objets de tous les trafics après l’écroulement de l’Union Soviétique
  • Les dépenses d’armement sont en hausse depuis 5 ans, plus du fait de la solvabilité des pays acheteurs que de la nécessité de se prémunir contre une menace avérée

(sources: SIPRI, institut de recherche basé à Stockholm)

Venez lire l’appel du 18 janvier 2008 et signer la pétition pour une mondialisation plus juste


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