Un blog sur la mondialisation n’aurait pas de sens ni de saveur sans un billet sur ce phénomène Sud-Sud en marche sous nos yeux médusés ! Ce billet, le voici donc!
D’après Nicolas Sarkozy (ou plutôt Henri Guaino, sic) l’Homme africain ne serait pas encore entré dans l’Histoire (discours de Dakar, juillet 2007). Première mise au point : la vérité c’est qu’on l’y avait fait entrer manu militari : du début du XVIème à la mi-XIXème siècle, la traite Atlantique a arraché à leur terre 11 millions d’Africains, et du VIIème au XIXème, la traite musulmane en a déporté 17 millions vers l’Andalousie, l’empire ottoman, le Proche et Moyen-Orient ainsi que la Chine (force est d’ailleurs de constater que cette dernière traite n’a « curieusement » pas laissé de descendants).
Deuxième mise au point : l’Homme africain ENTRE dans l’histoire et la mondialisation ! Les investissements directs étrangers ont doublé depuis 2005. Ayons-en conscience, cela se passe sous nos yeux…et cela est largement dû à l’engagement très récent de la Chine sur le continent. Serge Michel et Michel Beuret le décrivent très bien dans « La Chinafrique » (livre que je ne saurais que trop vous recommander de lire), nouvelle chimère qui enterrerait la Françafrique ! La Chine offre à l’Afrique qui sort de la « décennie du chaos » (1991-2001) un horizon que nul n’aurait pu soupçonner il y a peu. Mais a priori, la Chine voudrait-elle coloniser l’Afrique qu’elle ne s’y prendrait pas autrement, en témoignent les données suivantes : au moins 450 000 Chinois en Afrique (contre 300 000 Français, mais à relativiser toutefois au regard des 100 millions de Chinois de la diaspora!), au moins 48 milliards de dollars d’argent public chinois investi, prêté ou donné, et un commerce bilatéral multiplié par 50 entre 1980 et 2005, par 5 entre 2000 et 2006 pour arriver à 55 milliards de dollars, chiffre qui devrait doubler d’ici à 2010. La Chine est désormais le deuxième partenaire commercial de l’Afrique à la place de la France.
Suite à ce déluge de chiffres, il convient maintenant de tenter de répondre clairement à la question inaugurale, « la Chine colonise-telle l’Afrique ? ». A cette fin je me propose de décomposer cette interrogation en trois problématiques : pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle à l’Afrique ? Quelles sont les raisons de son succès ? Enfin quelles sont les points positifs et négatifs du « Grand Bond » de la Chine en Afrique ? Car il serait aberrant de dire que ce que fait la chine en Afrique est globalement positif, ou plutôt négatif…comme en toutes circonstances, nous sommes face à une situation complexe aux multiples facettes.
Pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle à l’Afrique ?
- Pour sortir de l’isolement diplomatique dans lequel la répression de Tiananmen de 1989 l’avait placée, la Chine voit dans les dirigeants africains des partenaires et alliés idéaux. En effet ils représentent un quart des voix à l’ONU et craignent eux-mêmes la contagion démocratique, synonyme de remise en cause de leurs privilèges léonins.
- En 1995, Jiang Zemin proclame le nouveau mot d’ordre : « Sortez ». Les entreprises chinoises sont incitées à partir à la conquête des marchés extérieurs, et pour s’aguerrir, l’Afrique constitue le tremplin idéal, tant tout y est à faire. Le gouvernement n’hésite pas à financer toutes sortes de projets, de l’infrastructure monumentale type barrage à la simple exploitation forestière. En même temps de nombreux petits entrepreneurs multiplient les boutiques: l’Afrique constitue un marché de choix où écouler jouets, camelote, petite quincaillerie chinoise, motos : bref, toute la production industrielle chinoise.
- Car elle a absolument besoin d’accroître ses approvisionnements en matières premières pour soutenir sa très forte croissance. Au premier rang desquelles le pétrole : on comptait 3 millions de voitures en 1999 en Chine, plus de 8 millions ont été vendues en 2007, et on s’attend à un parc de 100 millions de voitures en 2015, ce qui nécessitera d’importer l’équivalent…de la production pétrolière africaine. Les récentes découvertes de gisements en Afrique en font un eldorado : grâce à cette manne dans les douze ans à venir, les pays du golfe de Guinée devraient encaisser 1000 milliards de dollars de revenus, soit eux fois plus que ce que l’Occident a pu apporter à l’Afrique en cinquante ans !
- Car les vague d’émigration chinoise qu’entraîne la politique africaine de Pékin demeure potentiellement un moyen d’atténuer la pression démographique et la trop forte croissance inflationniste se faisant au mépris de l’environnement. Certains scientifiques chinois vont même jusqu’à dire, sous couvert d’anonymat : « Nous avons 600 rivières en Chine, 400 sont durablement polluées…nous ne nous en sortirons pas sans envoyer 300 millions de personne en Afrique » (François Hauter, Figaro, 7 août 2007)
…dans le prochain article: quelles sont les raisons du succès de la Chine en Afrique?
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