Les négociations du Cycle de Doha, que l’on avait baptisé assez ironiquement Cycle du développement (car il devait rompre avec ce qu’il s’était fait jusqu’alors) avaient entre autres pour objectif de mettre à plat les distorsions du commerce agricole occasionnées par les politiques protectionnistes occidentales (subventions à la production, barrières douanières, quotas, etc) dans le but d’offrir de nouvelles opportunités de développement et d’exportation aux pays du Sud au secteur primaire traditionnellement important. Ces négociations, déjà bien mises à mal, vont maintenant certainement échouer du fait d’une loi agricole américaine toute fraîche votée par le pouvoir législatif (en dépit de la tentative de veto du président Bush).
11% du coût budgétaire de cette loi, le « Food, Conservation and Energy Act of 2008 », sont destinés à financer un filet de protection aux agriculteurs en cas de baisses de revenus. Ces dispositions profitent généralement à des agriculteurs au niveau de vie souvent supérieurs au contribuable moyen.
Ce programme traduit surtout la capacité des grands lobbies agricoles américains à peser sur les processus législatifs à l’oeuvre dans les deux chambres. Il se trouve en effet que les présidents des commissions parlementaires viennent de cirsonscriptions parlementaires aux intérêts agricoles puissants: « Ceci s’explique probablement par le poids des électeurs directement intéressés par la législation dans la circonscription électorale de ces parlementaires, d’une part, et par les contributions financières aux campagnes électorales des diverses organisations de lobbying liées à l’agriculture, d’autre part. » comme le dit Michel Petit dans son article paru sur Telos « Agriculture: provocation américaine ».
A l’heure de la campagne américaine, cette loi soulève encore une fois la question du pouvoir d’influence de ces lobbies qui dicte la vie législative américaine. Les candidats américains sont des machines à vendre du rêve tenus de se ranger gentiment une fois élus derrière un pouvoir législatif imérieux et trop souvent à la solde des grands intérêts. C’est la faille semble-t-il rédhibitoire de la démocratie américaine, (enfin) prête à élire un Noir, qui ne peut se détacher de ces fameux lobbies (oeuvrant à découvert aux Etats-Unis, sous le manteau en France), démocratie, dont Churchill disait que c’était le pire des régimes, à l’exception de tous les autres…
Enfin, alors que plus que jamais notre monde a besoin de régulation, a besoin de mettre en place une gouvernance commune, une action collective susceptible d’adoucir les externalités négatives d’un commerce mondial indispensable au développement et pourtant encore trop inéquitable, voilà que s’éloigne les chances d’arriver à conclure profitablement pour les pays en développement ce fameux cycle de Doha…à cause de l’irresponsabilité de la première (plus pour très longtemps) économie mondiale!