La mort de la Françafrique (1/2)

Le déclin en Afrique de l’influence occidentale en général, et de la France en particulier, est indéniable. L’Occident a allégrement pillé l’Afrique jusqu’aux indépendances, puis chacun s’est contenté de pérenniser son pré carré, au besoin en soutenant les pires autocrates, parfois éclairés comme Senghor au Sénégal, parfois éclairés mais assassins comme Houphouët-Boigny en Côte-d’Ivoire (responsable du massacre prémédité de 4000 à 6000 personnes dans le village de Guébié en 1970). On peut également ajouter que la France s’est faite championne en matière de soutien aux putschistes : le général Gnassingbé Eyadema au Togo (1967), le général Lansana Conté en Guinée (1984), le capitaine Blaise Compaoré au Burkina-faso où la France s’est rendue complice de l’assassinat en 1987 de Thomas Sankara, leader charismatique et éclairée, mais trop communiste aux yeux de Paris. Sans oublier Idriss Déby au Tchad qui ne doit sa prise du pouvoir en 1990 qu’à l’appui de la France…

Cependant, ce que l’afro-réalisme et la guerre froide justifiaient, l’effondrement de l’URSS ne le permettra plus, et un vent de protestation souffle alors sur le continent où les dictateurs ont du mal à contenir les aspirations démocratiques. Désormais, les bailleurs de fonds occidentaux, Washington et FMI en tête, la France traînant des pieds, entendent conditionner leurs aides aux progrès démocratiques et aux efforts de bonne gouvernance et de transparence. Indisposés les régimes africains se montrent alors mûrs pour traiter avec Pékin qui lui ne pose aucune condition, et s’abstient de tout discours moraliste. Le « Je t’aime, moi non plus » de la Françafrique en est la parfaite illustration : quand elle intervient, la France se fait taxer de néocolonialisme, quand elle se retient, on crie à l’abandon. France et Afrique ne se comprennent plus. Pire, les Africains pensent déceler chez leurs anciens colonisateurs une grande ingratitude qui les blesse profondément : depuis la dévaluation du franc CFA en 1994 qui a frappé durement les économies de la zone, nombreux sont ceux qui ont dû émigrer pour fuir la misère, et c’est la France bien sûr qu’ils choisissent : l’hostilité qu’on leur réserve là-bas (cités ghettos hier, immigration choisie aujourd’hui, voir à ce titre cet article) détonne à leurs yeux avec l’accueil qu’ils avaient offert aux anciens colons après l’indépendance (sauf en Algérie…) et sans compter le sang qu’ont versé leurs parents pour libérer la France.

De toute façon, combien même la France souhaiterait-elle conserver une influence en Afrique, qu’elle ne le pourrait plus, elle n’en a plus les moyens, ni économique, ni militaire (l’opération Licorne de maintien de la paix en Côte d’Ivoire était très proche de la capacité maximale de projection de toute l’armée française). A la rigueur l’Union Européenne pourrait rivaliser avec la Chine, mais de là à ce qu’elle se mette d’accord sur une politique étrangère commune, il y a loin de la coupe aux lèvres. Et encore plus loin de là à ce que cette éventuelle politique commune fasse preuve de la même souplesse et force de frappe.

Aujourd’hui, les Occidentaux se complaisent à regarder ce continent qu’ils croient à tort en perdition avec misérabilisme, paternalisme et condescendance….alors que l’Afrique se réveille justement, aidée par une Chine qui y voit de merveilleuses opportunités là où nous ne voyons que les ruines de l’époque coloniale, symbole de notre grandeur passée.

Le summum de l’incompréhension est atteint en 2006 quand un certain candidat à la présidence française déclare à Bamako : « Nous n’avons pas économiquement besoin de l’Afrique ». Certes, elle ne représente que 2% de nos échanges, mais quand on sait que l’Afrique, c’est le premier centre de profit d’Air France, que 30% des réserves de pétrole de Total s’y trouvent, soit sa première région de production au monde, ou quand on connaît l’importance incontournable du Niger pour Areva, on ne peut que sourire ! Enfin, comme le dit un éditorialiste africain : « Que serait la France à l’ONU sans les voix de ses anciennes colonies ? »

…la suite dans le prochain article: les apports positifs et négatifs de la Françafrique…

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2 Réponses to “La mort de la Françafrique (1/2)”

  1. La mort de la Françafrique (2/2) « Blog de l’Appel du 18 janvier 2008 Says:

    […] La mort de la Françafrique (2/2) Suite de l’article La mort de la Françafrique (1/2) […]

  2. La Chine colonise-t-elle l’Afrique ? (2/3) « Blog de l’Appel du 18 janvier 2008 Says:

    […] D’abord le déclin de l’influence occidentale en général, et de la France en particulier, couplé au conditionnement des aides aux efforts de bonne gouvernance et de transparence (depuis la fin de la guerre froide), ce qui a le don d’irriter les potentats africains. Mais combien même la France souhaiterait-elle conserver une influence en Afrique, qu’elle ne le pourrait plus, elle n’en a plus les moyens, ni économique, ni militaire (l’opération Licorne de maintien de la paix en Côte d’Ivoire était très proche de la capacité maximale de projection de toute l’armée française). A la rigueur l’Union Européenne pourrait rivaliser avec la Chine, mais de là à ce qu’elle se mette d’accord sur une politique étrangère commune, il y a loin de la coupe aux lèvres. Aujourd’hui, les Occidentaux se complaisent à regarder ce continent qu’ils croient à tort en perdition avec misérabilisme, paternalisme et condescendance….alors qu’il se réveille justement, aidé par une Chine qui y voit de merveilleuses opportunités là où nous ne voyons que les ruines de l’époque coloniale, symbole de notre grandeur passée. Pour approfondir ce point je vous recommande l’article précédent « La mort de la Françafrique » […]

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