Durban était un échec annoncé, Durban a tenu ses promesses. Les Nations n’ont donc pas su se mettre d’accord quant à comment limiter collectivement les émissions de gaz à effet de serre, très largement responsables du réchauffement climatique. La société américaine n’est prête à aucun effort, engluée qu’elle est dans le doute entretenu par les lobbys des industries polluantes. La Chine et l’Inde, en plein rattrapage économique, pensent pour leur part que c’est à l’Occident de faire le premier pas. Bref, la situation est bloquée.
Pourtant la communauté scientifique est formelle :
- La Terre se réchauffe du fait d’une hausse de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. De 1880 à 1970, la température moyenne de la Terre a augmenté de 0,03°C par décennie. Depuis 1970, elle augmente de 0,13°C par décennie.
- La grande majorité de cette de hausse est due aux activités humaines, notamment la combustion d’énergies fossiles et la déforestation.
- Des phénomènes cycliques naturels liés entre autres au soleil et aux vents atmosphériques influent aussi sur le climat, mais au XXème et XXIème siècles au moins, ils sont censés faire baisser les températures et non l’inverse ! Ils sont donc complètement hors de cause pour expliquer le réchauffement climatique qui n’en devient que plus préoccupant !
- Le réchauffement en cours aura pour conséquences inéluctables une hausse du niveau de la mer, un bouleversement des cycles hydrauliques, une multiplication et une intensification des phénomènes naturels extrêmes (ouragans, inondations, feux de forêt, etc.)
L’impact sur l’Humanité sera sans précédent : villes côtières submergées, large mouvements de population, famines, guerres pour l’accès à l’eau, entre autres calamités.
Les Nations ont donc le devoir de s’entendre face à ces certitudes scientifiques pour « gérer l’inévitable et éviter l’ingérable » ! Et pourtant, preuve en est à nouveau qu’elles en sont incapables. Les intérêts d’une minorité qui profite allégrement du statu quo et bloque toutes velléités de changement semblent condamner l’aventure humaine au naufrage.
L’histoire humaine n’enseigne que trop amèrement que les Hommes jamais n’abandonnent de leur plein gré leur souveraineté et leurs prérogatives à des instances supérieures à qui déléguer la gestion de problèmes qui les dépassent chacun individuellement. Tout mouvement de concentration politique depuis la nuit des temps, du clan à la tribu, de la tribu à la seigneurie, au duché, au royaume, à la nation, à l’union européenne par exemple, ne se fait que dans la douleur, jamais spontanément. Le schéma a toujours été le même. X envahit Y, X et Y s’homogénéisent alors : c’est par exemple la France Gallo-romaine, ou l’unification de la Chine par les conquêtes. Ou alors, X et Y s’associent face à une menace Z : c’est l’alliance des cités grecques face à la Perse, c’est la construction européenne face à la menace d’une nouvelle guerre, c’est la nouvelle Europe fiscale face à la crise. C’est ce que doivent faire les Nations aujourd’hui face à l’enjeu climatique.
Sans doute que la menace n’est pas encore assez perceptible, peut-être n’avons-nous pas encore assez mal. Mais peut-être que plus tard, il sera trop tard.
Trempez une grenouille dans de l’eau bouillante, elle en ressort aussitôt. Plongez-la dans de l’eau froide, puis chauffez l’eau progressivement, comme nous chauffons notre planète…elle meurt ébouillantée sans s’en rendre compte.
C’est exactement ce qui va nous arriver si nous ne faisons rien (et nous ne sommes pas vraiment partis pour faire quoique ce soit), et c’est aussi ce qui s’est produit sur l’île de Pâques.
L’île de Pâques est une toute petite île du Pacifique, à 3700km à l’ouest du Chili, et à 2000km à l’ouest de l’archipel Pitcairn. C’est le lopin de terre habité le plus isolé du monde, colonisé dès 900 après JC par d’intrépides Polynésiens. Passée l’arrivée des premiers colons, l’île est vraisemblablement restée coupée du monde jusqu’à sa découverte par un navire hollandais en 1722. J’assimile donc l’île de Pâques, isolée du reste de l’Humanité, à la Terre seule dans l’univers connu.
Les colons avaient emmené avec eux des poules et quelques variétés végétales dont l’igname, la canne à sucre et la banane. Ils maîtrisaient l’agriculture, leurs armes et outils étaient en pierre. La configuration de l’île a fait que jamais elle ne fut unifiée politiquement, comme notre monde aujourd’hui. En effet jamais il n’a été possible pour un des clans de constituer et ravitailler une armée assez puissante pour vaincre les autres dans la durée (comme en Europe, cf les échecs de Napoléon et Hitler). Politiquement, l’île de Pâques était donc composée d’une poignée de clans rivaux juxtaposés les uns aux autres. Comme le sont nos nations aujourd’hui. Pendant longtemps, ces clans ont rivalisé pacifiquement, c’était à celui qui bâtirait les Mohaïs les plus nombreux et les plus grands, les statues typiques de cette civilisation. Cette saine rivalité a duré tant qu’il y avait des arbres à abattre pour confectionner d’une part les rondins nécessaires au déplacement des blocs de pierre, et d’autre part les bateaux indispensables à la pêche et donc à l’approvisionnement en nourriture. Et bien sûr ce qui devait arriver arriva : sans instance supérieure de régulation, les forêts se sont mises à manquer. Les Pascuans creusaient ainsi leur propre tombe. Comme la disparition totale du couvert forestier a pris des générations de clans rivaux, chaque génération, chaque clan pris a part n’y a contribué que faiblement et n’était donc pas en mesure de saisir le drame qui se nouait. Les Pascuans qui ont fait tomber le dernier arbre vivaient déjà dans un monde où l’on savait les arbres condamnés.
Dans l’impossibilité de construire de nouvelle statues et alors que le poisson disparaissait des assiettes, la seule façon de rivaliser a consisté à faire tomber les Mohaïs des voisins, le seul moyen de survivre a été la guerre pour des ressources rares. Une guerre sans merci, la population a chuté, le cannibalisme a fait son apparition. C’est une île jonchée de statues renversées et peuplée d’une poignée de Pascuans affamés et grelottants que les Européens ont trouvée en arrivant. Une insulte encore utilisée aujourd’hui là-bas : « j’ai de la chair de ta mère entre mes dents ». La Terre, cette île de Pâques…
Sources : Collapse, J. Diamond, 2005 ; That used to be us, T. Friedman et M. Mandelbaum, 2011.