Beaucoup a été dit sur le 11 septembre 2001 quant à son importance dans l’Histoire des Hommes. Tous les commentateurs politiques ou presque ont dépeint cet évènement depuis 10 ans comme l’aube d’une ère nouvelle où plus rien ne serait comme avant, l’évènement fondateur du XXIème siècle préfigurant le « Choc des civilisations » cher à Samuel Huuntigton. Il n’en est rien.
Oui le 11 septembre nous a tous fascinés et terrifiés.
Oui le 11 septembre a fait couler beaucoup d’encre et chauffer beaucoup de pixels.
Oui le 11 septembre est l’attaque exogène la plus meurtrière perpétrée aux Etats-Unis devant Peral Harbor. Oui le 11 septembre a mobilisé beaucoup d’argent du contribuable américain (voir aussi ici).
NON le 11 septembre n’a quasiment rien changé à l’Histoire (sur le moyen et long terme).
Le 11 septembre prend racine dans la haine de certains Musulmans pour un Occident, qui a bien du mal par moments à juguler son impérialisme et son cynisme, il faut bien le reconnaître. Mais le 11 septembre n’est pas le fait d’un vrai état, seulement celui d’une clique d’excités terrés en Afghanistan/Pakistan et disposant à l’époque de réseaux dormants aux quatre coins du monde. Une organisation comme Al-Qaeda avait pour ainsi dire un pistolet à un coup, et une fois ce coup tiré, les moyens technologiques de l’Occident sont tels qu’il est impossible maintenant à Al-Qaeda de faire front. Oui, des trekkers imprudents sont capturés deci delà, mais il faut bien se rendre à l’évidence : le pouvoir de nuisance d’Al-Qaeda est maintenant proche de zéro. On en parle et s’en inquiète de façon bien trop exagérée.
Quand on s’intéresse à un phénomène historique représentant soi-disant une menace, le plus simple est d’analyser le temps médiatique accordé au phénomène par rapport au nombre de victimes. A ce titre, Al-Qaeda est un épiphénomène par rapport au cancer des poumons, à l’obésité, ou encore aux accidents de la route dans nos sociétés. Le « temps de cerveau disponible » des citoyens est limité, et s’en servir pour rabâcher sans relâche la menace terroriste est une aberration, on ferait bien mieux de diffuser des messages de prévention routière et sanitaire.
Ce qui confère au 11 septembre son caractère hypnotique, c’est que plus de 3000 personnes sont mortes en direct, sous nos yeux ébahis, de façon holywoodienne, au coeur du pays le plus puissant. Mais c’est un leurre, cela nous fait oublier les famines et autres maux (la malaria en Afrique qu’on pourrait éviter en y mettant les moyens) qui rongent lentement d’autres pays et tuent bien plus au final.
Qui sait par exemple sait que la guerre dans l’ex-Zaïre a fait 3,3 millions de morts de 1998 à 2002 !
La conséquence du 11 septembre a été l’invasion de l’Afghanistan et de l’Iraq : un échec et demi sans conséquence sur le destin de la nation arabe pour qui le changement devait venir de l’intérieur grâce à Mohamed Bouazizi 10 ans plus tard.
Après 10 ans, la situation en Afghanistan est au point mort. L’occupation du pays par les troupes de la coalition est un échec total compte tenu de la géographie. Les Talibans sont insaisissables, se terrent et refont surface sitôt les patrouilles reparties, comme les Afghans l’ont fait avant face aux Britanniques puis aux Soviétiques. Un non sens qui dure depuis 10 ans pour les Américains. Quand on pense aux centaines de milliards de dollars prélevés sur les contribuables américains (et français à la marge) et consacrés à cette guerre dont l’inanité s’étale reportage après reportage, on ne peut qu’être pris d’effroi et de colère. Surtout vu l’état de nos pays, de nos écoles, de nos infrastructures. C’est ce qui s’appelle en économie une allocation catastrophique de ses ressources.
L’Iraq fut donc également envahie unilatéralement par des Américains ivres de vengeance qui fantasmaient sur une filiation avec Al-Qaeda, au point même de créer de fausses preuves : vous vous souvenez de Colin Powell brandissant une fiole à l’ONU? Ces Américains se sont ainsi allégrement essuyés au passage les pieds sur cette ONU, une institution dont les nations démocratiques essayaient pourtant de construire patiemment depuis 55 ans la crédibilité, l’échec de la SDN en tête.
Alors certes en Iraq, les Américains auront peut-être fait accoucher la démocratie au forceps, l’avenir nous le dira, mais à quel prix ? C’était la guerre de trop pour une Amérique ruinée qui ne pouvait vraiment pas se permettre cette folie dans laquelle elle a été entraînée par ses faucons Républicains. Encore une fois, leur argent public aurait pu être utilisé de façon bien plus efficace au pays.
J’ouvre une parenthèse. On pourrait aussi parler du prix payé par les civils morts dans les bombardements, mais je pense pour ma part que c’est toujours mieux qu’un Saddam oppresseur des minorités resté au pouvoir. Je suis pour l’interventionnisme « mesuré » permettant de faire tomber les dictateurs (Kadhafi est un cas d’école, un des rares legs positifs de la présidence Sarkozy à mes yeux), le seul problème reste de trouver un « libérateur » prêt à payer de son sang et de son argent public. Je suis Normand, et Dieu sait que les Normands ont payé un lourd tribut lors de la libération de la France en 1944 : près de 50 000 victimes civiles normandes tuées par les bombes américaines, bien plus que ce qu’ont fait les Allemands. Et pourtant les GIs ont été accuellis en libérateur. Je referme cette parenthèse.
Toujours est-il que l’intervention américaine, sensée répandre l’envie de démocratie dans la région n’a pas fait tâche d’huile.
Si l’on peut commencer à respirer la promesse de démocratie dans les pays arabes aujourd’hui, ce n’est pas à grâce au 11 septembre, ni grâce à Bush et ses illuminés, ni même grâce à Al-Qaeda, mais en raison du ras le bol général de la rue arabe, sublimé par Facebook, Youtube, Twitter mais surtout Al-Jazeera, et résultant de l’impéritie des Raïs, les chefs d’état arabes. Les Ben-Ali&Co ont trusté le pouvoir, distribué les faveurs, vécu pour certains de la rente des hydrocarbures (Putin est de la même race), annihilé toute volonté d’entreprendre et tué tout espoir de s’en sortir grâce à son mérite plutôt que par des courbettes devant le pouvoir.
Que certains privilégiés réussissent, passe encore. Mais que si je réussis envers et contre tout, on me prenne les fruits de mon labeur, là non, voilà l’étincelle qui a fini par mettre le feu aux poudres. Cette étincelle fut Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant tunisien surdiplômé. Mais entendons-nous bien, je ne crois pas à l’Homme Providentiel, si cela n’avait pas été Bouazizi, c’eut été un autre, en Egypte peut-être, tôt ou tard.
Les chefs d’état arabes ont trop fait jouer la fibre patriotique et la menace extérieure, agitant l’éternel épouvantail Israël, non exempt de tout reproche c’est certain, mais ils ont manqué l’essentiel, offrir assez de travail à leur population. C’est un écueil dont le Parti Communiste chinois a bien conscience, lui qui peut s’enorgueillir, non sans dommages collatéraux, d’avoir sorti de la pauvreté la plus abjecte plus de 300 millions d’êtres humains en 30 ans, fait historique sans précédent dans l’Histoire de l’Humanité.
On nous a dit que 2001-2011 était la décennie du choc Occident-Islam, mais que nenni, il n’en est rien. Onze septembre, Afghanistan, Iraq et Ben Laden ont trop souvent fait la une, et dans 100 ans, avec le recul, ce ne sera qu’un chapitre rapidement clos sans réelle conséquence, alors que l’essentiel, le tournant majeur pris par l’Humanité se joue pourtant devant nos yeux pour ceux qui veulent bien se donner la peine de les ouvrir : the Rise of the Rest ! L’essor économique de l’Asie ! Voilà ce qui compte et devrait être plus abondamment traité par nos médias. Lire à ce sujet l’excellent « The New Asian Hemisphere » de Kishore Mahbubani.