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Pourquoi Israël doit négocier si elle veut survivre!

janvier 18, 2009

Avant toute chose, qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je condamne fermement les méthodes terroristes du Hamas, mais je cherche à comprendre pourquoi on en est arrivé là.

Israël, pour répondre à la pluie de roquettes tombées sur elle à l’issue de la trêve de six mois conclues avec le Hamas, a décidé de montrer sa force, quitte à tomber dans la disproportion : un déluge de feu s’est abattu sur la bande de Gaza, on compte déjà plus de 850 victimes dont 250 enfants et 100 femmes. Il faut souligner que le Hamas en joue, tire depuis des zones civiles, afin de se cacher derrière sa population, violant là les lois de la guerre, mais en même temps, quand plus d’un million de personnes s’entassent dans une prison à ciel ouvert de 10km de large et de 50km de long, il ne reste plus beaucoup de zones non-civiles… Enfin Hamas vise des zones civiles, c’est inadmissible (d’ailleurs, ces roquettes, compte tenu de leur caractère artisanal et donc aléatoire auraient en fait tué plus de Palestiniens que d’Israéliens…), mais ce qui est encore plus inadmissible, c’est pour celui qui est le plus fort, de répondre en sachant que pour tuer 1 combattant du Hamas, on va tuer 20 civils dont la moitié de femmes et d’enfants.

Que croient les Israéliens ? Qu’ils peuvent éradiquer le Hamas ? Le Hamas au pouvoir est le résultat d’élections législatives gagnées en janvier 2006. Comme cela arrive souvent dans un pays plongé dans la misère, une guerre civile a éclaté en juin 2007 dans la bande de Gaza entre Fatah et Hamas, chacun cherchant à éliminer l’autre, Israël prenant d’ailleurs un plaisir coupable à attiser ces divisions, et c’est le Hamas qui s’est finalement imposé. Les Israéliens pourront toujours tuer autant de chefs militaires qu’ils le veulent, cela ne détruira pas le Hamas car le Hamas, avant d’être un mouvement, est l’incarnation du désespoir et de la colère des Palestiniens. Si le Hamas disparaît, un autre mouvement naîtra, pire que le Hamas, car la terreur orchestrée par Israël ne pourra que générer de la haine d’Israël, chez les Palestiniens comme dans le reste du monde: comme disait un éditorialiste d’Haaretz, « la violence ne fait pas partie de la solution mais du problème ».

Israël a le droit de se défendre, son ambassadeur disait le dimanche 11 janvier dans l’émission Riposte : « imaginez que la Belgique vous bombarde depuis des années, qu’attendriez-vous de vos dirigeants ? » La seule différence c’est que la Belgique n’occupe pas une partie de la France, ne l’a pas coupée en deux, ne l’étouffe pas économiquement en lui imposant le niveau de vie que l’on sait, ne nous a pas fait fuir par centaines de milliers hors de notre pays. Petite différence. L’ambassadeur de répliquer, « combien de colons à Gaza ? » Effectivement, les Israéliens s’en sont retirés. Mais pourquoi faire l’insulte aux Palestiniens de penser qu’ils ne forment pas un peuple, même si leur « terre » se réduit maintenant à deux territoires disjoints. On arrive à mon sens au cœur du problème : la colonisation rampante en Cisjordanie. Les autorités israéliennes soulignent les progrès économiques constatés en Cisjordanie, arguant qu’elle est sur la bonne voie…mais comment dire que la Cisjordanie est sur une bonne pente quand son territoire n’est plus réduit qu’à une somme d’îlots enclavés entre lesquels il est des plus difficiles de circuler. La Cisjordanie, grêlée de colonies qui ne sont pas prêtes d’être démantelées, n’est pas une entité viable économiquement ! Elle ne pourra jamais être un État en l’état (sans mauvais jeu de mot !), presque la moitié de son propre territoire (si ce n’est plus) est tout simplement inaccessible ou soumis à restriction par Israël (cf carte du magazine Time du 19 janvier, page 16, ou ici). Car en définitive, si il existait un consensus, douloureux, chez les Israéliens pour évacuer les colonies à Gaza, il y en a aussi un pour dire que les colonies en Cisjordanie (la Judée-Samarie biblique), ne seront jamais démantelées, elles !

Et je ne parle même pas du partage de Jérusalem, du droit que s’arroge Israël de filtrer l’accès aux lieux saints…

Ni de la question du retour des réfugiés… Mais quand même, permettez-moi un mot ! Les conflits israélo-arabes, tous remportés par Israël, ont contraint à l’exode des centaines de milliers de Palestiniens essentiellement au Liban, ceux-ci et leurs descendants s’entassent maintenant dans des prisons à ciel ouvert dans des conditions indicibles. C’est simple, Israël refuse tout simplement le droit de ces Palestiniens de revenir sur leur terre, et je ne parle pas d’Israël, ni de Gaza déjà surpeuplé mais de Cisjordanie. Mais de quel droit ? Est-il une autre nation pour accepter ça ?

Je tombe ensuite sur le numéro 30002 de l’Express, dont je suis un fidèle lecteur. J’apprécie tout particulièrement les plumes de Christophe Barbier et bien sûr Jacques Attali. Mais je dois ici avouer mon indignation à lecture de l’édito de la semaine de Christophe Barbier : « Une guerre juste, juste une guerre ». Il y rappelle d’abord que le Hamas est un groupe terroriste. C’est vrai, même si Pascal Boniface lui rétorquerait qu’on ne peut le réduire à ça, car c’est aussi un mouvement « social », humanitaire, politique qui utilise par ailleurs des méthodes terroristes parfois, voire souvent, dans ses rapports avec la puissance occupante. CB va même jusqu’à dire, et ce sont les mots qu’il a sciemment retenus pour l’exergue, « Israël a raison de mener cette guerre et il le fait pour notre tranquillité ».

Je suis choqué.

Premier point sur « notre tranquillité », c’est un comble dans le même numéro de l’Express on lit page 56 « le Hamas n’est pas considéré comme une menace directe pour la France, « il ne prône pas un Djihad global tel Al-Quaeda, explique un spécialiste des services. Sa lutte est d’abord nationale. Les attentats suicides visent uniquement le territoire israélien » ». Voilà qui est dit. Deuxième point sur « Israël a raison », Israël a-t-il vraiment raison de tuer dix civils dont femmes et enfants pour tuer un combattant du Hamas, même si celui-ci se cache derrière eux ? Comment un état pourrait-il avoir raison quand il tue sciemment des civils ? N’est-ce pas cela aussi…le terrorisme ? Comment Christophe Barbier a-t-il pu écrire cela ? Donc Hamas terroriste, c’est indiscutable, mais force est de constater qu’Israël aussi, à mon plus grand regret…

Israël souffre du terrorisme, nous souffrons avec elle, et c’est toujours plus facile de tenir un tel discours depuis Paris que depuis Sderot, mais n’oublions pas les antécédents d’Israël en la matière, ce pays s’est aussi construit sur le terrorisme, avec des vagues d’attentas commis par l’Irgoun contre des civils arabes et contre les Britanniques.

Ce que je reproche à CB, c’est de ne dénoncer que le caractère terroriste de Hamas sans insister sur les causes fondamentales du problème. Il pointe le caractère souhaitable de sa destruction, même si un mouvement similaire devait le remplacer… « En matière d’islamisme, si nous acceptons le choléra pour éviter la peste, nous mourrons simplement du choléra »… mais l’attitude n’est-elle pas plutôt non pas de « détruire le choléra » mais plus pragmatiquement de remédier aux problèmes qui provoquent son apparition ? A mettre à son crédit, CB réaffirme en fin d’édito que la seule solution est la coexistence cloisonnée de deux états souverains, mais pourquoi ne dit-il pas ce qui essentiel : qu’un Etat palestinien est impossible compte tenu de la politique de colonisation à l’œuvre, qui vient ronger chaque jour un peu plus la Cisjordanie.

Kishore Mahbabubani explique dans son excellent ouvrage « The New Asian Hemisphere » qu’Israël, par son refus de créer les conditions d’un Etat palestinien viable, est en train de se mettre un milliard de Musulmans à dos (si ce n’est pas déjà fait), car les moyens médiatiques d’aujourd’hui mettent chaque atrocité à portée de vue de deux milliards de yeux, chaque jour humiliés un peu plus dans leur chair. Kishore Mahbubani, et c’est la thèse de son livre, soutient qu’un vent de modernité et de prospérité est en train depuis trente ans de souffler en Asie : jamais autant d’êtres humains n’étaient sortis aussi vite de la pauvreté. C’est le résultat de l’adoption plus ou moins optimale des canons de la croissance mis en évidence par les Occidentaux (économie de marché, focalisation sur l’éducation et les technologies, méritocratie, état de droit, etc.). K. Mahbubani prétend que cette réussite va toucher tôt ou tard (dans moins de 50 ans en tout cas) le monde musulman en passant de l’Inde au pays pivot, le Pakistan. Cela signifie, que dans un horizon pas si lointain (ma génération le verra) le monde arabo-musulman connaîtra la prospérité, à l’image des dragons asiatiques. Ce jour là, la puissance économique agrégée d’un milliard d’Humains compliquera singulièrement la tâche des au plus dix millions d’Israéliens… car les Musulmans après avoir vécu humiliés par paraboles interposées refuseront de se taire. Israël serait alors condamné. K. Mahbubani rapporte en ce sens les propos de Mao qui disait du petit Vietnam qui avait osé défier la Chine « prenez la plus dure des petites pierres, frottez là contre un énorme rocher, aussi friable soit-il, à force, la petite pierre finira toujours par disparaître la première… »

Israël doit maintenant comprendre que le temps joue contre elle, souvenons-nous des Etats Latins d’Orient qu’on croyait à l’époque éternels…et qui pourraient au final avoir fêté plus de printemps qu’Israël, si cette dernière ne se décide pas vite à, au moins, évacuer totalement la Cisjordanie, et à faire un effort quant au retour des réfugiés Palestiniens en Palestine.


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